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Chez cette jeune artiste installé depuis peu à Port Vendres, la vie nourrit l’art qui à son tour essaye de restituer toutes les émotions que peut procurer une vie bien remplie. Difficile de schématiser un travail qui est déjà aussi complexe que son parcours de vie, mais, un gros traits, on peut dire qu’elle crée des paysages abstrait, qui renvoient à l’enfance parfois, à des univers plus exotique souvent, à des références plus livresques ou cinématographique de temps à autre : l’artiste peut s’inspirer aussi bien de la mythologie grec, des films de la nouvelle vague que des émotions que lui procure le chamanisme découvert en Amazonie.

 

 

Ces grands écarts sont possibles tout simplement parce que Abel Burger est une adepte des changements brutaux de mode de vie : elle a vécu dans des espaces reculés du Canada, sans eau ni électricité, où elle a pu se plonger en toute concentration dans l’œuvre de Bukowski… Et passer à l’écriture, avant de s’installer à Paris pour travailler dans la communication.

 

À d’autres moments, elle s’est immergé dans la culture grecque, ressorti ensuite dans certaines toiles. Et puis elle s’est installée dans la petite ville de Rachel au Nevada… Pour aller à la rencontre des ovnis. Encore avant  (ou après, peu importe), ce fut un détour par l’ancien hôtel des roches noires ou Marguerite Duras vécu, à Trouville. « J’y suis restée quelques mois et cela m’a inspiré un roman qui est aujourd’hui à l’étude dans une maison d’édition ».

 

Sans oublier sa découverte du chamanisme en Amazonie : « j’ai été inspirée par ce que j’ai pu voir et expérimenter du chamanisme, ce qui se ressent dans mes tableaux : je recherche à lâcher prise, mais qu’il soit source de création. Il ne s’agit pas de partir n’importe où, n’importe comment, et de se laisser guider par des intuitions, des rêves, des images, des sentiments pour les creuser, et atteindre une certaine complétude. Ce n’est pas si évident. Au final, je ne peux transmettre que ce qui m’est accessible, par un pied ou par un autre. Ni plus ni moins »

 

Ce n’est sans doute pas un hasard si Abel Burger a été marquée dans ses lectures par des textes de Carl Gustav Jung, « un auteur qui m’a permis de faire le lien entre mon mental (avec la psychanalyse) et mon esprit (avec le chamanisme) »

 

Bref, à 35 ans, Abel Burger a vécu de quoi nourrir son œuvre d’image et d’univers variés, qui ont peut-être pour point commun une recherche de la prise en compte de l’individu dans sa globalité. Toutes les expériences, du moment qu’elles ont enrichi son parcours de vie, nourrit sa création, qu’elle quelque soit le billet utilisé. Pas de règles préétablies. Quand elle a essayé de s’en imposer, ce fut un échec : « j’ai voulu structurer mon travail, j’ai réfléchi à une armature avant de m’engager, mais j’ai toujours été déçu du résultat, qui était artificielle et du coup sans émotion. » Aujourd’hui, elle procède différemment : faire ce qu’elle a envie, la nuit et le jour, se concentrer sur les souvenirs, parcourir un livre, etc.

 

Et passer de manière insensible à la création qui va se nourrir de ces moments de détente. De là sans doute une juxtaposition d’éléments disparates qui peuvent venir de l’enfance, des souvenirs, de lecture, ou des choses plus conceptuel. Le grand cours (écriture, peinture, collage, etc.) commence à constituer un univers qui lui est propre : en matière picturale, une recherche de couleur pour info abstrait mais doté de réelles profondeur, un travail de gravure ou d’ajout entrée (bique, pastel, crayon, fusain, charbon), qui surligne les changements de couleur du fond ou qui, au contraire, superposent les dessins sans tenir compte des changements de couleur déjà en place. Parfois, mais parfois seulement, émerger des animaux, des crâne, des motifs géométriques ou des signes, lettres identifiées ou hiéroglyphes mystérieux. On s’y retrouve… Ou pas, mais cela indiffère l’artiste qui n’a pas envie de rendre les œuvres plus explicite pour autant. Pas d’influence particulière d’autres plasticien, même si son œuvre peut évoquer par moment Basquiat. « Je ne vois guère qu’un peintre dont je me sent peut-être proche. C’est Jackson Pollock : à la fois pour son évolution vers l’abstraction et pour le petit quelque chose qui relève de la transe dans son exécution du Dripping (le geste de jeter des taches de peintures sur la toile en secouant son pinceau comme un panier à salade, ndlr.)

 

Abel Burger continue à chercher. Pour l’instant, elle montre encore ses œuvres timidement, persuadé qu’elle en est qu’au début du chemin : « je m’approche progressivement de ce que je cherche. Comme je fais tout cela dans mon coin, cela prend du temps. Mais c’est la condition pour ne pas se laisser asphyxié par les influences extérieures. »

Texte de Anne Devailly pour le magazine Art Majeur Occitanie, 2018

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